Interrogatoires, détention et menaces d’exécution : Lisez le saisissant témoignage de ce chrétien iranien
« Vous avez déjà proclamé notre condamnation à mort et vous me menacez constamment de ‘je vais vous exécuter’, donc il n’y a pas besoin d’interrogatoire si vous avez déjà prononcé la peine ! »
Nima Rezaei est un chrétien iranien. Désormais réfugié en Turquie, il témoigne auprès de Article 18 de sa conversion au christianisme et de la persécution qui s’en est suivie.
Après une enfance compliquée, Nima sombre dans la drogue. Il devient héroïnomane et vit en marge de la société. « J’avais abandonné l’espoir de pouvoir un jour me débarrasser de ma dépendance qui m’avait laissé isolé et déprimé », explique-t-il.
Après 13 années de dépendance, Nima va être admis dans un centre de désintoxication. Il arrête de se droguer, mais déplore le fait d’être « spirituellement pauvre et affamé ».
Un ami lui offre une Bible. Rapidement, il se convertit et commence à fréquenter une église de maison en 2006.
« Ma famille et mes amis ont été étonnés de voir à quel point j’avais changé. Je n’avais même pas voulu quitter la maison depuis trois ou quatre ans. J’étais tellement isolé. Mais maintenant, mon visage avait même changé et je pouvais parler avec les gens sans gêne. J’étais devenu un membre utile de la société, travaillant et prenant la responsabilité de ma vie. »
Un an plus tard, un espion du ministère des services de renseignement infiltre l’église de maison. Nima va être convoqué, comme plusieurs autres chrétiens, auprès du ministère du renseignement, pour y être interrogé.
Là-bas, on lui demande s’il est chrétien. Il décide de témoigner de sa foi.
« Oui. Tu sais tout de moi. J’étais toxicomane et Dieu m’a guéri. L’Évangile a changé ma vie, alors maintenant je suis un disciple de Jésus-Christ. »
Il accepte même d’écrire et de signer cette déposition. L’interrogateur continue de le menacer de l’exécuter.
« Se détourner de l’Islam est une apostasie ; vous êtes des infidèles qui êtes contre ce régime et contre notre pays ! »
Nima se lève alors, déchire ses déclarations et se met en colère contre celui qui l’interrogeait.
« Monsieur, je refuse de continuer cet interrogatoire plus longtemps, car vous parlez comme si vous n’étiez pas seulement l’interrogateur mais aussi le juge ! Vous avez déjà proclamé notre condamnation à mort et vous me menacez constamment de ‘je vais vous exécuter’, donc il n’y a pas besoin d’interrogatoire si vous avez déjà prononcé la peine ! »
Puis il s’effondre.
« En disant cela, j’ai commencé à pleurer. J’étais contrarié de vivre dans un pays où je pouvais être si contraint et où mes droits de citoyens étaient à tel point bafoués, qu’ils pouvaient si facilement m’accuser et me condamner d’un seul trait de plume. »
Nima finit par signer ce qu’on lui demande pour pouvoir sortir. Une dizaine de jours plus tard, il est convoqué avec plusieurs autres chrétiens pour subir une formation sur l’islam par un théologien, afin de les « guider vers le droit chemin ».
Ils sont ensuite menacés par le ministère du renseignement.
« Vous n’avez pas le droit de tenir des réunions d’églises de maison, ni même de voyager les uns avec les autres ! (...) La prochaine fois que nous vous surprendrons à faire ces choses, la miséricorde islamique ne s’appliquera plus à vous et vous ne connaitrez plus jamais le goût de la liberté ! Le verdict sera simplement rendu et vous serez reconnus coupables d’être des apostats qui ont quitté la religion de l’islam ! »
Nima persiste cependant à se rendre à l’église en secret. « Jusqu’en 2011, la pression sur nous semblait avoir diminué, car nous nous rencontrions rarement tous ensemble, et lorsque nous voyagions, nous essayions de le faire avec sagesse, compte tenu des problèmes de sécurité », explique-t-il.
Mais en mars 2012, Nima va à nouveau être contacté par le ministère du renseignement. Sa maison est fouillée, un certain nombre de brochures chrétiennes, une Bible, un récepteur satellite, une photo de la Cène lui sont confisqués.
Nima subit un nouvel interrogatoire. « Vous êtes ici pour avoir agi contre la sécurité nationale et le régime sacré de la République islamique en promouvant le christianisme », lui affirme celui qui se présente comme étant le juge. On lui reproche d’avoir été guidé par un théologien, mais de ne toujours pas être « redevenu humain ».
Il va finalement être incarcéré, mais refuse de donner le nom d’autres chrétiens. Au cours des différents interrogatoires qu’il subit, il continue de partager sa foi chrétienne.
« Vous n’avez pas apaisé ma vie. Au contraire, lorsque ma vie était une tempête, Jésus-Christ est entré dans ma vie et l’a calmée. Cette paix est l’œuvre de la grâce de Dieu. Dieu a apporté cette paix dans ma vie. »
Après 28 jours de détention, il est libéré sous caution. Mais il sera convoqué un peu plus tard par le tribunal révolutionnaire de Shahsavar, où il est accusé d’avoir « agi contre la sécurité nationale et le saint régime ».
En août 2012, Nima est condamné à six mois de prison pour « activités de propagande contre la République islamique par le biais du christianisme protestant ». Comme les autres chrétiens condamnés avec lui, il ne doit pas révéler les raisons de son incarcération.
Mais, un jour, le directeur révèle aux autres détenus qu’ils sont chrétiens. « Ces prisonniers chrétiens ont été amenés ici et ajoutés à ceux qu’il faut nourrir ! », gronde-t-il. Une révélation qui est finalement devenue une bénédiction, pour les chrétiens, comme pour les détenus.
« Ainsi, après cette journée, nous avons pu parler de christianisme avec de nombreux prisonniers. Nous avons sympathisé avec eux, nous leur avons donné des solutions à leurs problèmes, nous les avons encouragés et nous avons prié pour eux, et Dieu nous a utilisés pendant ce temps pour aider les autres prisonniers. Il y avait environ 100 prisonniers au total. »
Nima va finalement être conduit dans un autre établissement, avant d’être libéré à l’issue de sa peine.
A sa sortie de prison, les menaces sur sa vie continuent. Il est de nouveau convoqué auprès du ministère du renseignement. L’interrogateur affirme :
« Nous avons des preuves que vous avez repris des activités anti-régime et que vous menez des activités politiques et religieuses. Nous avons même entendu dire que vous avez parlé contre le régime et que vous empoisonnez les autres contre le régime. (…) Vous vivez ici, jouissant de l’hospitalité de la République islamique, et pourtant vous vous révoltez contre notre pays ? Vous empoisonnez l’opinion publique contre le régime ! Nous avons arrêté un certain nombre de personnes, et elles vont témoigner contre vous ! De toute évidence, vous n’avez rien appris pendant les six mois que vous avez passés en prison ! »
A l’issue de cet interrogatoire, Nima fait le choix de quitter le pays avec sa femme et sa fille. Il se rend en Turquie où il fait une demande d’asile auprès du Haut Commissariat pour les Réfugiés. Là-bas, il subit encore des menaces et doit déménager plusieurs fois. Il est également inquiet pour les chrétiens restés en Iran.
« Il nous est douloureux d’apprendre l’identification et l’arrestation des chrétiens que nous avons connus et servis en Iran. Certains d’entre eux ont été arrêtés plusieurs fois, et dans chacune de ces arrestations et interrogatoires, nos noms et le rôle que nous avons joué dans leur foi ou leur croissance spirituelle sont mentionnés. »
M.C.